En concert le 4 mars 2015 à La Boule Noire

Le premier album des frères Michael et David Champion, uniquement précédé d’une session sur Radio 2, a fait l’effet d’une bombe. Et pour ceux qui croient à l’influence de l’environnement sur la musique, il parait logique que les Champions soient originaires du hameau de Niton, près de l’enclave balnéaire victorienne de Ventnor, sur l’Île de Wight, puisque Down Like Gold sonnait magnifiquement hors du temps et de l’espace, même comparé aux disques d’artistes qu’ils pouvaient considérer comme leurs pairs. Combinant les chansons délicieusement mélodiques, profondément déchirantes et intensément oniriques de Michael, l’aîné des deux frères, ses tendances folk-pop et le timbre émouvant de sa voix, et la guitare lead empathique de David, dont la propre voix renforce des harmonies que seuls deux frères semblent capables de tisser, l’album était une œuvre absolument unique – tout comme le mot Vamala, sorti de la bouche de Michael alors qu’il fredonnait un nouvel air. « Il sonnait bien, comme un nom de fille croate », a-t-il pensé.

L’album suivant, VAMALA (les capitales sont dues à un toc de Michael : « J’aime que les lettres aient toutes la même taille ! »), arrive aujourd’hui, un an seulement après leur premier. « Le temps d’attention des acheteurs de disques est de plus en plus court, ces jours-ci », dit-il après réflexion. « Il y a tellement de nouveautés qui sortent, qu’on voulait publier rapidement un nouvel album. Mais seulement parce qu’on avait les chansons. »

Le deuxième album est toujours un test en profondeur de la force d’un artiste, et les 12 morceaux qui constituent VAMALA lui donnent une portée encore plus large que son sublime prédécesseur : les titres rapides sont plus incisifs (à l’exemple du premier single, « Desire », et du morceau qui donne son titre à l’album), tandis que les ballades sont plus dépouillées et plus envoûtantes (jetez-vous sur « Forever Be Standing At The Door » et « Roll Me Out »), et le son globalement plus riche. Ce qui prouve que CHAMPS a eu raison de faire certains choix courageux. Down Like Gold avait été produit par des amis (eux aussi frères), Jim et Rob Homes (alias Boe Weaver), au Studio Humbug, un vieux château d’eau appartenant à Osborne House, la retraite de la Reine Victoria sur l’île. Pour amorcer une évolution, CHAMPS a déménagé à Londres pour ses nouveaux enregistrements.

Michael : « On avait passé tellement de temps dans un environnement rural désolé, je voulais qu’il y ait plus d’ambiance cette fois-ci, pour nous nourrir d’une certaine énergie. C’est important d’essayer quelque chose de différent. Je voulais aussi faire un disque plus pop, mais qui soit également dépouillé. »

« On voulait se concentrer sur le cœur des chansons », ajoute David. « Ce qui, de façon étrange, a permis au disque de s’épanouir et à certaines chansons de se développer. »

VAMALA a été enregistré par les deux frères, seuls avec le producteur Dimitri Tikovoi dans son studio de Kilburn. Étant donné son CV (qui comprend Goldfrapp et Placebo), le Français représentait un autre risque, mais le sens rythmique de Tikovoi (il est également batteur de studio) a permis d’ajouter plus de couleurs, dont certaines électroniques, à la palette du duo. « Dimitri vient de la pop », dit David, « et il n’a pas eu peur d’ajouter différents éléments, comme la batterie au début de « Vamala », qui est presque RnB. »

Pourtant, VAMALA demeure irréfutablement un disque de CHAMPS, merveilleusement rendu et résolument mélancolique. « Je souffre peut-être d’un état permanent de peine de cœur ! » dit Michael. « Mais je trouve toujours que les chansons les plus intéressantes sont celles qui possèdent ce contexte de relations qui ne marchent pas. »

Si l’album est enraciné dans l’amour, il ne s’agit pas simplement d’amour pour des personnes. L’Île de Wight est une présence constante. « Roll Me Out », une pure ballade folk réduite à une voix, une guitare acoustique et un passage sifflé, décrit l’amour de Michael pour le surf : « Ça m’aide vraiment quand je suis stressé », dit-il. « C’est une métaphore : “Roule-moi dans le bleu”. » « Blood » et « Balfron Tower » reflètent les sentiments contradictoires que leur inspire la notion de foyer. Michael a vécu un temps avec sa petite amie allemande à Balfron Tower, une tour classique de style « brutaliste » de l’Est londonien : « C’était assez lugubre et sordide, et j’en ai eu marre, j’ai décidé de partir. De retour sur l’île, tout me semblait à nouveau propre et pur. La chanson est une façon de m’excuser. »

Pourtant, l’inquiétant final de l’album, « Devil’s Carnival », est un rappel que l’air pur et l’isolement présentent aussi leurs propres inconvénients. « C’est comme si je rêvais, en regardant à travers de grandes nappes de brume et de brouillard, comme dans Withnail & I. Je voulais saisir cette imagerie désolée. »

La désolation s’insinue jusque dans les titres parlant de relations. Le très chantant « Running » convoie ironiquement des cauchemars, « feeling like you’re constantly running » [ayant l’impression de courir constamment], mais on voit clairement ce qui déclenche la panique : « I fell asleep with a full-on feeling that I had a heart to break » [Je me suis endormi avec la sensation intense que j’avais un cœur à briser]). « Sophia » rappelle l’été dernier passé à Vienne, « assis dans des cafés, à fumer et à boire. C’est un cliché, mais une ville romantique peut aider à écrire des chansons. » Mais c’est un romantisme qui possède un talon d’Achille (« I tell you all my secrets and I share with you my news / Now there's nothing left for me to do but lose » [Je te dis tous mes secrets et je partage tout ce qui m’arrive avec toi / Maintenant, je ne peux plus que perdre]).

« Vamala » est aussi une contradiction. C’est le morceau préféré des deux frères sur l’album : « J’aime particulièrement le refrain », dit David. « Il est à la fois triste et entraînant. » Sa nature irrésistiblement enjouée masque également une profonde anxiété : « Am I up as high as I feel / Or am I dying ? » [Suis-je aussi bien que je le ressens / Ou suis-je en train de mourir ?]

L’angoisse du caractère éphémère des choses s’infiltre dans quasiment toutes les chansons de CHAMPS, dans le style de vie des frères (avoir besoin des villes pour travailler, mais chérir la beauté rurale de leur île) et dans la difficulté de faire fonctionner des relations tout en bougeant constamment. Sur l’île, dit Michael, « il n’y a pas grand-chose à faire ». Il n’y a pas de salle officielle dédiée à la musique live, et « la vie nocturne, c’est le pub, rempli de fermiers en colère ». Ce qui fait que la musique devient une évasion en elle-même. « Le temps est souvent pluvieux et brumeux, donc tu te mets à l’abri et tu deviens créatif », dit David. « Tu as beaucoup plus de temps pour réfléchir. »

Bien que les deux frères aient grandi en écoutant la même musique (leurs artistes préférés étant R.E.M., les Beatles, Beck et MGMT), ils avaient à l’origine des groupes différents ; celui de Michael influencé par les Flaming Lips, celui de David plus branché sur Fleet Foxes. Puis Michael a commencé à accumuler des chansons plus « pessimistes » – en se rapprochant, en fait, du mode de fonctionnement de David – dont il pensait qu’elles ne convenaient pas à son groupe : « J’avais une vision différente de ce que je voulais, quelque chose de plus dépouillé, de plus personnel et sincère. »

Enfin réunis, ils ont commencé à enregistrer les chansons de Michael, et l’une d’entre elles, « St Peters », s’est frayée un chemin jusqu’aux oreilles du DJ de Radio 2, Dermot O’Leary, qui a rapidement engagé CHAMPS pour une session. De même, Play It Again Sam a signé le groupe après avoir entendu ses premiers morceaux et l’a aidé à terminer ce qui allait devenir Down Like Gold, dont le titre fait référence à la chute des feuilles. « Ça me semblait être un disque très automnal, pour entrer dans l’hiver », dit Michael.

Accompagné par les deux titres les plus enjoués du disque (« Savannah » et « My Spirit Is Broken ») sortis en singles, l’album a reçu l’approbation générale :
« Peu d’artistes s’approchent de la perfection simple et discrète de Neil Young, mais CHAMPS, en griffonnant à la fois des couplets poétiques et des paysages au dos d’une carte postale évoquant une idée millésimée de l’amour, en sont capables » (The Line Of Best Fit).
« Des hymnes d’hiver enneigé de toute beauté… un éblouissant coup de cœur folk-pop » (MOJO).
« Album d’une plaisante chaleur mélodique, Down Like Gold est une friandise pour vos écouteurs qui va réchauffer l’hiver. » (Q magazine)
« Une délicate symphonie onirique teintée de tristesse » (Clash Music).
« Les frères Michael et David Champion signent un premier album parfait. Joie » (Les Inrocks)

Multipliez tout ceci par deux pour VAMALA, qui est à la hauteur de nos attentes, et plus encore. Et CHAMPS ne sonne toujours comme personne d’autre. Demandez à Vamala…