En concert le 18 octobre à la Cigale

Il marche en regardant ses pieds, on imagine un petit garçon égaré, mais il est trop grand pour qu’on y croie, il est trop viril aussi. Et quand il chante, c’est un homme mûr, sûr de lui, solide.

C’est un roc. Et sa voix rocaille. Elle soulèverait des troupes et des montagnes.

Daan, ex-Dead Man Ray, chanteur flamand, n’hésite d’ailleurs pas à chanter dans sa langue maternelle pour protester contre la politique d’extrême-droite. Il soulève non seulement les insoumis mais aussi, et depuis plus de vingt années, les applaudissements.

Homme de scène, il se révèle dans ses disques et celui-ci particulièrement. Parce qu’il ose, pour la première fois, écrire en français alors que ça lui semblait impossible, il offre une version de lui-même encore plus vaste.
Daan est « un homme sans frein », on s’en doutait déjà quelque peu, « un homme averti » de « trente treize ans » qui, soutenu par Thierry Dory, son ami réalisateur, a écrit de superbes chansons.

« Mélodies paroles/strophes puis refrain/du moment que ça colle/que ça tourne bien », et ça colle, et ça tourne bien.

Un univers bien à lui qui s’encanaille d’influences diverses. D’Yves Montand à Françoise Hardy, en passant (entre autres) par Bashung et Gainsbourg, les morceaux clignent de l’œil à l’un ou à l’autre mais ne s’égarent pas.

Daan se livre, il nous parle de lui, de ses doutes, ses écueils mais aussi du monde qu’il habite. Et si cet album rend hommage à la chanson française dans ce qu’elle a de plus grand, c’est d’un chanteur belge dont il est question, d’humour en coin et de sourires tristes, de révolte et d’autodérision.

« La crise », texte qui liste toute une série de crises de notre époque, des plus intimes aux plus sociétales est introduit par des sonorités de musique traditionnelle grecque… « Palaistine », pays sans palais et « même s’il y en avait, ce serait des ruines », dénonce et déchire. Dans « Mes états unis », Daan (« ce prénom a deux A, qui résonne comme anarchie ») se dit et dans un même mouvement dit son pays, son appartenance menacée. On est touché, au bord du « noyage ».

Avec cet album, il surprendra ses fans —même si cinq morceaux en anglais résonnent et font lien avec ses derniers succès— et c’est bien cela qu’il cherche, ce « samouraï », aller sur des terrains où on ne l’attend pas, surtout ne pas faire deux fois la même chose.

Ses musiciens, fidèles, l’ont accompagné sur ce projet. On est heureux de retrouver la voix d’Isolde Lasoen, ses percussions, son souffle et le violoncelle de Jean-François Assy, ses deux comparses de la dernière tournée, tournée qui semblait ne pas devoir s’essouffler tant elle a ravi son public.
Mais les talents sont nombreux à entourer la voix de Daan et on se dit que ce n’est pas par hasard si « ça colle ». De la scène jazz au son des Balkans, Daan sait s’entourer, ce sont des musiciens d’exception qui se sont emparés de ses morceaux et les ont sublimés.

Homme de scène, homme de parole, chanteur, musicien, Daan est aussi un homme de l’image, il a voulu cet album comme un tout, un partage de son univers. Il a réalisé lui-même la couverture du « Franc belge » : noir, blues et lumière. Couleurs de l’album.

« Cet homme restera dans ma vie » souffle une voix blanche et aérienne de ce « Conducteur fantôme », et on veut bien la croire.