« Je veux juste être moi-même, vous voyez ? » dit Justin Nozuka. Un bref rire nerveux et un sourire narquois expriment ce qu’il ne peut pas dire ouvertement : trop d’introspection, ça existe, même pour un type qui s’est imposé en étant franc et réfléchi. Cette ironie trahit l’âme profonde qui se cache derrière le visage juvénile de Nozuka, 21 ans, et la dualité est frappante. Né à New York, élevé au Canada, Nozuka est assez jeune pour avoir le trac en interview, mais suffisamment sage pour savoir quand il pourrait paraître, disons, suffisant. Il est donc toujours vigilant, de peur que son personnage ne soit plus en accord avec celui qu’il veut être : « Je ne veux pas créer une image boursouflée de moi-même. »    

Ouais, parce que ça, c’est le boulot de quelqu’un d’autre. Nozuka, lui, est chargé de façonner des chansons qui donnent l’impression à ses auditeurs d’être restés debout toute la nuit en sa compagnie et d’avoir partagé des confessions d’insomniaques. La première collection de celles-ci, Holly (Coalition/Pias recordings), porte le nom de la mère de Nozuka, qui a été pour lui d’un grand soutien. Quand ce disque est sorti, Nozuka n’avait encore que 19 ans. Il en avait écrit les premières chansons, « Supposed to Grow Old » et « I'm in Peace, » à l’âge de quinze ans, et le reste entre 16 et 17 ans, mais la presse s’est émerveillée de ce son et de cette vision tellement mûrs, décrivant Nozuka comme « aussi sage et mélancolique que des grands du blues ayant quatre fois son âge. » Son disque suivant, You I Wind Land And Sea, va asseoir encore plus cette réputation, alors que Nozuka réussit à garder les pieds sur terre au milieu des nombreux éloges récoltés par Holly et par ses performances en tournée et à la télévision (You Oughta Know sur VH1, Jimmy Kimmel Live, Good Morning America NOW, mtvU Woodie Awards).    

« J’ai réalisé, » explique Nozuka, « que pour que la musique soit libre et ouverte, sans restrictions, mon processus créatif devait être plus collectif. »    

Bien que beaucoup des chansons aient été écrites sans le groupe, Nozuka dit qu’ils les ont répétées – et parfois jouées sur scène – en tournée, pour développer « une atmosphère collective. » Et donc, quand ils sont entrés en studio, Nozuka a abandonné les chansons à son groupe et au producteur Bill Bell. « On est en quelque sorte revenu à zéro et on a recommencé à construire à partir de rien. C’était merveilleux... une expérience d’apprentissage forte pour mon groupe et moi-même. »    

YIWLAS contient une douzaine de morceaux profonds et libérateurs, qui élargissent la base des fondations folk-soul acoustiques posées avec Holly, et font apparaître des influences capitales que Nozuka ne pouvait traduire sans son groupe. Le sombre et tribal « Gray » évoque aussi bien Jeff Buckley que Ray LaMontagne ; « Carried You » est un clin d’œil à la soul de Philadelphie et au disco, le premier single, « My Heart Is Yours », applique une dévotion gospel à une soul romantique, et « Unwoken Dream (King With Everything) » exploite le genre psyché-folk – un sérieux virage pour Nozuka, pourtant parfaitement exécuté. Et tout au long de l’album, la production évoque subtilement Radiohead, ajoutant une troisième dimension au son de Nozuka dont la puissante voix soul (les fans de Holly seront heureux de l’entendre) fonctionne toujours aussi bien.    

Alors que Holly « était plus ou moins arrivé sans aucun réel concept, » Nozuka pense qu’il y a cette fois « une vision » derrière YIWLAS. « Il y avait sans conteste plus qu’une idée du genre de son que je voulais, » dit-il. « Je voulais qu’il soit très naturel... et il devait nous ressembler. Je voulais pouvoir entendre et sentir des êtres humains derrière la création de tout ça, par opposition à quelque chose qui aurait été orienté vers la recherche d’un 'hit'. » Il attribue cela à l’expérience gagnée en tournée avec son groupe.

« C’était important d’avoir des chansons qui soient ouvertes, » dit-il, citant « Gray » comme un exemple de consensus par alchimie. La chanson « s’est tellement transformée » en studio, en acquérant « ce puissant feeling tribal » dû aux percussions, mais en bénéficiant également des efforts du groupe pour éviter de trop réfléchir. « En art, le plus important c’est de suivre tes sensations. Aucune importance que ça ait déjà été fait ou que ce ne soit pas correct par rapport à la culture pop ou à quoi que ce soit d’autre. Si tu le sens bien, c’est que c’est bien. »    

Nozuka dit que la politique de transparence a été « un grand moment » aussi bien dans son évolution créative que personnelle. « J’essaie de vivre chaque moment, » dit-il, mais sur le dernier titre de YIWLAS, « How Low, » Nozuka met son âme encore plus à nu qu’il n’en a l’habitude, parce que « ça a simplement été créé à partir d’un moment de franchise totale. J’étais complètement dans le moment, aucun bruit dans mon esprit, pas de questions. J’ai permis à la chanson d’arriver et ça a été une sensation géniale. » Bien qu’il ne sache pas comment décrire la chanson, il sent que son existence même est « l’essence absolue de l’art... un endroit réel, mystique et impressionnant. »    

Appelez ça le paradis, le nirvana, ce que vous voulez – mais vu de là où se tient Justin Nozuka aujourd’hui, tout semble parfait. Il est heureux et prolifique, et envisage une année 2010 prospère. Bien qu’il y ait des tournées, des apparitions télé et des interviews à venir, il va s’en tenir au plan qui fonctionne. « Simplement suivre... le mouvement. »