Depuis la fin des 80s, Mudhoney, le quatuor basé à Seattle qui délivre un rock crasseux, c’est paré d’un esprit ironique et acerbe afin de ne pas sombrer vers l’obscurité a connu peu à peu, ils ont donc lutté contre le ridicule et l’insipide à travers l’acidité de leur musique qui les caractérisait.
Trente ans plus tard, le monde est en train d’être submergé par de mauvais idéaux. Mais juste à temps, le chanteur Mark Arm, le guitariste Steve Turner, le bassiste Guy Maddison et le batteur Dan Peters sont de retour avec « Digital Garbage », une collection de chansons acérées et puissantes. Le chant vif de Arm et la musique de son groupe font de « Digital Garbage » un disque idéal pour le monde sous pression de 2018, les rythmes insistants de cet album, et les paroles moqueuses de Arm offrent un miroir du monde actuel. « Mon sens de l’humour est noir, et aujourd’hui nous sommes en plein dans des temps sombres. Je suppose que c’est seulement en train de devenir plus noir encore. » Raconte Arm.
« Digital Garbage » s’ouvre avec le fanfaron ‘Nerve Attack’, qui peut être entendu comme un signe de tête à l’anxiété liée au mode de vie actuel et aux menaces de guerre qui ne cesse de grandir. Le titre de l’album vient de l’outro de ‘Kill Yourself Live’ qui enchaîne un solo d’orgue vers un regard lugubre sur le fait que tout ce qui a de la notoriété devient viral aujourd’hui. Arm raconte : « Je ne suis pas sur les réseaux sociaux, donc mon expérience est un peu limitée, mais les gens semblent vraiment trouver une validation de leur vie grâce aux likes – et puis dans les Facebook Live, où des gens regardent des meurtres et de mecs se faire torturer, ou comme pour Philando Castile qui s’est assassiné par un flic. »
« Lorsque j’écrivais cette chanson, je pensais au fait qu’une fois que tu as mis quelque chose en ligne tu ne peux pas l’effacer. C’est ici pour toujours, ça flottera toujours quelque part même si personne ne l’exhumera. »
Le groupe s’est approprié pas mal de morceaux des actualités récentes afin de les inclure dans le disque – ‘Please Mr. Gunman’, sur laquelle Arm crie "We'd rather die in church!" après la mélodie énervée de ses musiciens a été inspiré par des news-TV après le massacre dans une église qui eut lieu en 2017, alors que le refrain menaçant du titre bluesy ‘ Next Mass Extinction’ rappelle ce qui s’est passé pendant la manifestation de Charlottesville et le clash violent entre les suprématistes blancs et le reste de la population ; sur ce titre Arm délivre un chant brutal et accusateur. Arm est aussi revenir à l’ère pre-Mudhoney avec le titre cinglant qui ‘Hey Neanderfuck’. Arm rigole : « National Lampoon ont fait plusieurs disques comiques dans les 70s, et dans un des sketchs un mec est appelé ‘Neanderfuck’. J’ai toujours aimé cette insulte et je me suis demandé pourquoi ce n’était jamais rentré dans le lexique américain – c’est tellement brutal. C’était le bon temps lorsqu’on utilisait ça. » rigole Arm.
Le cœur sonore de Mudhoney – des batteries puissantes incessantes, une basse qui submerge tout, une guitare qui délivre des rafales électriques, la voix dangereuse de Arm – est très présent sur Digital Garbage, disque que le groupe a enregistré avec leur collaborateur de longue date (et le pianiste sur Digital Garbage) Johhny Sangster au studio Litho de Seattle. Le titre anti-religieux ‘21st Century Pharisees’ est par exemple construit des sons de synthés vaseux du claviériste Maddison. « Ça ajoute une super bonne touche au disque, et Guy (Maddison) a vraiment appris à jouer à sa façon avec ces machines. » raconte Arm.
« Digital Garbage » se termine avec ‘Oh Yeah’, une célébration du skate, du surf, du vélo et de la joie procurée par toutes ces échappées. « Je souhaitais vraiment écrire des chansons seulement sur le fait de trainer à la plage, et prendre du bon temps en vacances, mais, vous savez, ça ne le fait pas vraiment pour un bon groupe de rock d’écrire sur ces thèmes. »
Quoi qu’il en soit, Mudhoney sait faire du très bon rock – et les riffs furieux de « Digital Garbage » résistera à l’épreuve du temps même si ses particularités s’effaceront avec le temps. Arm rigole à propose de cet album : « J’ai essayé de garder suffisamment de choses universelles, c’est pour ça que cet album ne sera pas juste emprunt des préoccupations actuelles et heureusement que quelques trucs de notre époque ne seront plus valables et d’actualité. Vous ne voulez pas dire dans le futur, ‘Hey, ces paroles ont quelque chose de toujours révélateur aujourd’hui. Super ! »