En concert le 13 avril 2015 au Palace

Le pays où je suis né est comme ça. A le croire trop bonhomme, on en meurt vite, petite silhouette givrée dans l’aubépine. A le voir aussi rugueux, on l’aime, on s’aimante, de peur d’aller crever ailleurs. Ici ou là-bas ? Ce pays est Babel, partout et depuis toujours, forgé par le feu, usé par les eaux du déluge, foulé par les hommes et leurs grands cœurs d’hommes, saints ou salauds.
Allez, qui d’autre que lui ? Depuis l’enfance, dans les mots que l’on ne disait pas et que l’on craignait comme l’ombre mortelle des noyers, Jean-Louis Murat construisait ce grand œuvre, seul ou en bande, sous les toits de lauze ou dans la poussière de l’Amérique que l’on vénère. Derrière des guitares sèches comme l’acacia ou tordues d’électricité, il a parcouru des contrées où personne ne s’aventure, un pied devant l’autre, chaque année ou presque. Ne jamais s’arrêter de marcher, façonner, bâtir, et pour longtemps, pour sûr. Et juste là, à l’aube de ce nouvel album, les racines ont percé à jour. Ce sera le chaînon manquant, le lien refait qui unit le monde et l’Auvergne, l’infiniment proche et l’universel.
A deux pas, à la tête de Kütu Folk Records, maison volcanique et contemplative ouverte sur l’ailleurs, The Delano Orchestra vit en parfait équilibre entre folk gracile et pop tendue comme un arc. Leurs chemins se sont croisés sur les ondes de France Inter, un petit matin de décembre, un concert mémorable presque inventé de toutes pièces, lui devant et eux derrière, comme un seul homme. Projet éphémère pourtant destiné à voyager loin, il a peut-être semé les germes de ce double-album (triple vinyle s’il vous plait), riche et sophistiqué, joyeux et chagrin, enregistré cul sec au studio Palissy, Beaumont, banlieue de Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme.
Alors, Babel. Il y aura donc un Là-bas et un Ici. Choisir ? Dieu non. Portés au cœur et au ventre, aussi haut dans l’éther qu’au ras des bruyères, ces deux disques insufflent la vie à chaque seconde, la tendre vie que l’on passe dans un champ de linaigrettes caressées par les brises d’alpage, la vie naturaliste des siècles d’avant, et la mort froide, la mort que l’on mérite ou qui frappe dur, courtes chansons remarquablement gaulées, comme cette salope de Thau qui aura fini par baiser le sol glacé de Servières…
Sachant les vertus des belles guitares, des rythmiques enjouées et des arrangements savants, Murat l’Arabe, Murat le paysan, le grand Murat reste cool et espiègle en toutes choses, caressant de sa voix unique ce Harvest arverne éblouissant. Au loin, derrière la Banne d’Ordanche, l’orage approche. Les cordes grommellent, roulent dans la gorge du Chavanon, où l’on règle ses comptes entre chiens et loups. Tout ici sent le foin sec, le lys martagon, la sueur du laboureur, penché sur d’extraordinaires chansons, solidement charpentées et bâties souplement, comme ces grands corps secs que rien n’érode. Ces ballades rebondies, ces contes de la terre et de l’esprit, ces accents soul comme là-bas, sont bien le fruit d’un fabuleux travailleur, auteur infatigable peut-être au sommet de son art. Et si Là-bas conserve de bout en bout cette noblesse hors du temps, cette hauteur digne d’une rare beauté (Pauvre cœur je manquais d’amour / J’ai fréquenté la beauté / Chaque jour abreuvé / A l’illusion des toujours), cette grandeur sèche et cotonneuse parfois légère comme une trille d’alouette, Ici se voile parfois d’un violoncelle mélancolique, disque aux doigts crochetés dans la terre noire, dans la boue des cheires jusqu’au ventre, le visage brûlé par l’écir, ou cuit par le soleil des fenaisons.
Est-ce là la douce gravité d’une déclaration d’amour, pour un pays rude et des gens simples ? Est-ce le cœur des hommes qui chante ici, des Bédouins du Jebel Rum au berger de Chamablanc ? Babel est une œuvre de cartographe fou d’amour, de géographe retourné par les souvenirs, l’Histoire, les paroles et les senteurs d’un pays nourricier, où la poésie cède souvent la place au franc-parler des campagnes, une étonnante et sublime confrontation que personne d’autre n’aurait pu réussir.
Babel est tout cela, et bien plus encore. Il est le voyage invisible de l’âme aux confins du monde, ici et là-bas, définitivement.
_______
The Delano Orchestra
Chef de file du label clermontois Kütu Folk Records, The Delano Orchestra est un groupe singulier, porté par des guitares puissantes, un violoncelle et une trompette. Sur une écriture d’inspiration folk, très personnelle, leur musique invite au voyage dans un décor de monts et de lacs, servie par de fortes personnalités et des gens bien, tout simplement.
Compagnon de longue date de JL Murat, réalisateur, arrangeur, batteur et musicien rêvé, Christophe Pie imprime à l’album la plus gracieuse des voltes, en laissant la technique s’effacer derrière la musique. Verso d’une rythmique impeccable, Matthieu Lopez (également pilier de Garciaphone), collabore régulièrement avec la crème des artistes d’ici. N’ayant jamais pu décider entre 4 ou 6 cordes, il assoit le Delano Orchestra sur du solide, un tapis roulant sur lequel Guillaume Bongiraud et Julien Quinet virevoltent comme bon leur semble. Prodigieux violoncelliste, le premier collabore également avec bon nombre d’artistes (dont un projet de toute beauté avec Morgane Imbeaud). Le second a emporté sa puissante et impassible trompette à travers le monde, aux côtés des Danois de The Asteroids Galaxy Tour, entre autres. Enfin, leader gracile et fantômatique, Alexandre Rochon se partage entre chant et écriture. Auteur et maître du Delano, il partage avec Emilie Fernandez, sous la signature A+E, l’amour du beau papier et du graphisme délicat, à la tête des éditions Le Cahier Bleu, remarquable collection d’instant(ané)s de baignades auvergnates.
Morgane Imbeaud
Pianiste, chanteuse, interprète, auteur et compositeur au sein du groupe Cocoon depuis 2005, Morgane Imbeaud n’en est pas à sa première collaboration avec JL Murat. Après avoir travaillé avec Julien Doré, Julien Estival et bien d’autres, elle est aujourd’hui chanteuse, pianiste et compositeur au sein du groupe Peaks, et porte la dernière touche à un projet particulièrement personnel, Léo.

Oren Bloedow

Artiste d’une rare élégance, chanteur, guitariste et compositeur d’Elysian Fields, aux cotés de Jennifer Charles (déjà entendue en compagnie de JL Murat), le new-yorkais cultive également une discographie personnelle singulière, et collabore régulièrement avec de nombreux artistes.

Pascal Mondaz
Ingénieur du son et réalisateur, attentif et instinctif, formé à la rude école de la scène, musicien en solo intégral avec Galaktyk Kowboy, Pascal ‘Power’ Mondaz a sans doute tout compris des subtilités du studio. Diplômé de la SAE de Londres, il a travaillé avec Cocoon, The Delano Orchestra, Zak Laughed, The Elderberries, autour de Bashung et avec la plupart des beaux projets clermontois.
Julien Mignot

Jeune photographe élevé au pied des volcans (autrefois résident à la Coopérative de Mai, scène de musiques actuelles de Clermont-Ferrand, et aujourd’hui à la salle Pleyel), Julien Mignot et son fidèle Leica signent de magnifiques images, troubles ou vivement saturées, une vision très personnelle des êtres et des choses, capturée quand l’âme se dévoile derrière un regard saisi à la volée. Les rock stars, la mode, les voyages, les musiques du monde entier nourrissent une sensibilité sans pareille, que l’on peut découvrir régulièrement dans Le Monde ou Libération.

Tracklisting

CD1
1. Chacun vendait des grives
2. Chant soviet
3. J’ai fréquenté la beauté
4. Blues du cygne
5. Dans la direction du Crest
6. La chèvre alpestre
7. Qu’est-ce qu’au fond du coeur
8. Les ronces
9. Mujade ribe
10. Vallée des merveilles

CD2
1. Le jour se lève sur Chamablanc
2. Neige et pluie au Sancy
3. Col de Diane
4. Noyade au Chambon
5. Tout m’attire
6. Frelons d’Asie
7. Long John
8. Chagrin violette
9. Camping à la ferme
10. Passions tristes
_________

Paroles et musiques : JLM Bergheaud
Réalisé par Jean-Louis Murat

Batterie, percussions, maracas : Christophe Pie
Basse, guitare électrique : Mathieu Lopez
Synthés, banjo, guitare électrique : Alexandre Rochon
Rhodes, guitare acoustique, guitare électrique, basse, chant : JL Murat
Violoncelle, piano : Guillaume Bongiraud
Trompette : Julien Quinet

Avec la participation de :

Morgane Imbeaud (chœurs sur Qu’est-ce qu’au fond du cœur, Frelons d’Asie, Long John, Col de Diane, Noyade au Chambon)
Oren Bloedow (guitare électrique sur Chant Soviet).

Enregistré par Pascal Mondaz au studio Palissy (63)
Mixé par Aymeric Létoquart au studio Contrepoint (45)
Masterisé par Jean-Pierre Chalbos à La Source Mastering
Photos : Julien Mignot et Alexandre Rochon
Artwork : A+E, Le Cahier Bleu Collection

www.jlmurat.com
facebook.com/PIASLeLABEL