« Vendredi ou Les limbes du Pacifique »
d'après l'œuvre de Michel Tournier
Musiques : Romain Humeau
Récitant : Denis Lavant
Réalisation : Alexandre Plank

Diffusion sur France Culture le dimanche 28 juin à 21h.
Sortie en CD digipack et Digital le lundi 29 juin.
Représentation publique au festival d’Avignon le vendredi 17 juillet.

« En septembre 1759, le navire "La Virginie" fait naufrage. Seul rescapé, Robinson se retrouve sur une île déserte, livré à lui-même. Sa solitude va le contraindre à faire preuve d'ingéniosité, de persévérance et de courage, afin de survivre dans ce monde sauvage. Jusqu'au jour, un vendredi, où un autre être humain fait son apparition sur l'île : avec Vendredi, il va faire l’apprentissage d’une vie nouvelle, en harmonie avec la nature."

Parution en 1967 de Vendredi ou Les limbes du Pacifique, premier livre de Michel Tournier couronné par le grand prix de l'Académie française.

Romain Humeau est un artiste polymorphe.
Ce fils de facteur de clavecin passé par le conservatoire (violon, premier prix d'harmonie/contrepoint et de batterie, histoire de l'art, classe de jazz) est curieux de tout, il dévore la vie et multiplie les projets.

Une œuvre débutée il y a maintenant 20 ans, lorsque Romain quitte Toulouse pour monter son premier groupe à Paris, avec sa femme Estelle, musicienne baroque rencontrée dans l'atelier de son père.
Après un album et un changement de line-up Oobik & The Pucks se rebaptisera Eiffel.

Depuis, Eiffel a arpenté les salles et festivals de France, se forgeant une réputation scénique abrasive et un public fidèle.
L'auteur-compositeur-interprète (il réalise et mixe également ses albums) a aussi laissé une discographie abondante : 5 albums et un live sous le nom d'Eiffel, près de 200.000 disques vendus et un premier album solo en 2005, annonciateur de celui qu'il prépare actuellement et qui verra le jour en 2016.

En parallèle, on le voit collaborer avec Noir Désir pour des arrangements sur 'Des visages, des figures', avec les Têtes Raides 'Fragile', Dominique A ou plus récemment les Hurlements de Léo. Bernard Lavilliers fait appel à lui pour réaliser une grande partie de l'album 'Baron Samedi' dont il composera également trois chansons. Il se verra également confier l'année dernière la réalisation et les arrangements de l'album 'Acoustique' où il revisite quelques-unes des plus belles chansons du Stéphanois.

En 2013, Romain est en pleine tournée avec Eiffel et travaille en parallèle avec Bernard Lavilliers, quand le réalisateur Alexandre Plank et Romain Méril le contactent au nom de France Culture pour lui proposer de composer et interpréter sa « vision » musicale d'une œuvre littéraire de son choix dans le cadre d'une nouvelle collection produite par les Fictions de France Culture avec l’Orchestre National de France, « Fictions Pop ».
Romain choisit 'Vendredi ou Les limbes du Pacifique' de Michel Tournier.
Le texte sera adapté par Pauline Thimonnier et interprété par Denis Lavant, dirigé par Alexandre Plank qui nous fera pénétrer avec sa voix unique dans l'univers de Robinson. La création radiophonique sera réalisée pour la radio par Alexandre Plank, la réalisation musicale par Romain.
En parallèle de la musique instrumentale qu'il a écrite pour le récit, Romain signe et interprète huit chansons qui font écho au texte.
Le projet a été enregistré pour partie au studio des Romanos (le superbe studio bordelais des Humeau) et dans les studios de la Maison de la Radio avec l'Orchestre National de France et un groupe composé de Romain et deux musiciens, Nicolas Bonnière, fidèle guitariste d'Eiffel et « bidouilleur », ainsi que le nouveau venu Guillaume Marsault à la batterie.
Dès que l'idée de sortir un disque de cette émission est apparue, Romain a souhaité confier l'illustration à Rebecca Dautremer : "Pour sa poésie, sa folie et son imaginaire parfois brueghelien".

Le projet sera diffusé sur France Culture le dimanche 28 juin à 21h et une représentation publique aura lieu le 17 juillet à 20h dans le in du Festival d'Avignon, avec Denis Lavant, Romain Humeau et les musiciens dans la cour du Musée Calvet.

Romain HUMEAU :
Quand j'ai proposé "Vendredi ou Les limbes du Pacifique" à Alexandre Plank, il m'a tout de suite dit : "Il faut qu'il y ait des instrumentaux sous la narration, mais il faut absolument que tu écrives aussi des chansons !" J'avoue avoir été assez effrayé à l'idée de "dire" à ma manière certains passages du fameux livre de Michel Tournier. Tout ça pouvait être téméraire et même arrogant.
Exauçant les vœux d'Alex, je me suis tout de suite dit: "Restons légers, naturels".
J’ai, de fait, tout écrit très vite, musique et textes en deux semaines, venant de relire deux fois l'œuvre et l'ayant déjà lue deux fois auparavant.
Les grands axes décidés avec Alex étant "l'aliénation d'un homme" (avec tous les échos possible à notre société actuelle, individualiste), "la métamorphose d'un mec" (l'adaptation) et surtout : "l'autre" (arrivée de Vendredi sur l'île), m'étant dit que je ne me gênerais absolument pas pour parcourir une grande partie des territoires musicaux que j'aime et dans lesquels je baigne quotidiennement (musique africaine, hip hop, musique baroque, renaissance, jazz, pop, hardcore et hunk…), je me suis amusé, avec sérieux, à faire de même pour les textes.
Certains étant en anglais car Robinson est anglais… ce n'est pas rien, the invaders… Pour ne citer que "Friday" qui, en filigrane, évoque "l'autre" par le prisme de l'esclavagisme, le fait qu'elle soit en anglais à la première personne (celle de Robinson) est plus que volontaire.
Je voulais un "Bunk off school" ayant la légèreté de l'école buissonnière..., sexe en plein air, et comme j'avais en tête la référence à "Mr Postman" des Marvelettes, l'anglais n'était qu'évidence à mes oreilles. Pour d'autres comme "Errons dans des landes ou rien ne s'interpose à mes lubies", c'était plus slam, africain, et je voulais évoquer Tenn, le chien de Robinson, m'apercevant une fois écrite que la chanson était en français …
Comme dans les films où le figuralisme thématique prend le pas, il y a sans cesse un leitmotiv sur trois notes que l'on retrouve à peu près tout le temps, sur les instrumentaux et chansons : c'est celui de "Loneliness". Il est bien sûr harmonisé et mis en son de manière différente à chaque fois, comme un fantôme omniprésent dont on croirait apercevoir, à chaque recoin, un bout de robe blanche.
Alexandre PLANK :
La première rencontre avec Romain Humeau fut décisive. Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour le convaincre du projet et décider avec lui d’une œuvre majeure, car cette œuvre était déjà, depuis un bout de temps, un terreau fertile pour son travail d’artiste. Vendredi ou Les limbes du Pacifique de Michel Tournier, ouvrage connu de chacun, est un livre qu’il a découvert au lycée, et qui a ouvert chez lui les portes d’un monde d’images, de couleurs et d’anecdotes infinies. Ce livre, sans cesse relu, résonne en lui comme l’appel d’un retour à la nature et à ses valeurs fondamentales qui affleure par le parcours d’un homme, Robinson, seul rescapé d’un naufrage sur une île vierge et inconnue.
Il s’agissait avant tout de ressentir la traversée à la fois mentale et physique d’une immense solitude et d’un terrible isolement. Notre ligne était trouvée : travailler, adapter, écrire et composer à partir des divers états intérieurs et des différentes formes de déchéance, de renaissance, d’extrémisme que connaît Robinson dans le roman de Michel Tournier. Avancer musicalement à partir des états limites que le héros traverse sur l’île de Speranza jusqu’à sa sublime et définitive révélation finale, celle du don de son être au dieu soleil.

D’un point de vue musical, Romain Humeau traduit une telle plongée par la multiplication des couleurs, des rythmes et des instruments. Chaque étape de la vie de Robinson sur l’île est développée par une nouvelle facette musicale et, c’est dans l’accumulation qu’apparaît peu à peu le portrait bigarré d’un homme successivement désespéré et combatif, atteint de frénésie animale et sauvage ou habité par une rationalité fanatique, croyant d’abord en un dieu né des hommes puis se vouant corps et âme à la toute-puissance des éléments de la nature et en premier lieu, du soleil… Composées avec beaucoup de poésie, les chansons de Romain Humeau sont venues trouer le récit, créant une alternance riche d’émotions et d’imaginaires, un rythme fort donnant forme à une création radiophonique unique.

Afin cependant de ne pas éparpiller le sens tout en déployant les sensations, le choix d’une seule voix pour donner à entendre le récit s’imposa comme une évidence : une voix portant une narration omnisciente, relatant les évènements au passé, tout en s’octroyant des incursions au présent, comme au cœur des pensées de Robinson. Il s’agissait là aussi de respecter la forme du roman de Michel Tournier qui se construit entre récit et extraits de log-book, le journal de bord du héros. Denis Lavant, dont la réputation n’est plus à faire, nous fit l’honneur d’accepter de prêter sa voix et l’inventivité de son jeu à cet exercice hors du commun. Il donna vie à notre Robinson, et c’est ainsi que, baignés de mots et de musiques, nous inventâmes une nouvelle traversée tout en ne cessant de reconnaître et de retrouver l’univers et l’écriture de Michel Tournier qui avaient tant alimenté nos rêves.

Alexandre Plank a étudié la philosophie à l'Université du Bauhaus de Weimar et la dramaturgie à l'École Supérieure du Théâtre National de Strasbourg. Au théâtre, il a entre autres travaillé avec Matthias Langhoff, Stéphane Braunschweig, Christophe Rauck, Célie Pauthe et Jacques Osinski. Il travaille pour France Culture depuis 2009. Il y produit et réalise des fictions et des documentaires. En fiction, il a réalisé de nombreuses émissions à partir de textes français et étrangers, principalement axés autour de questions politiques et sociales (Love and Money de Denis Kelly, The Power of Yes de David Hare, Europe Connexion et Pulvérisés d'Alexandra Badea, Krach de Philippe Malone…) Il a également réalisé pour la chaîne plusieurs émissions en public, que ce soit au Théâtre de la Ville, au Festival d'Avignon ou au Palais de Tokyo (Griboïedov's Burning Blues avec le groupe Moriarty, Tokyo is on the air, une fiction participative pour les 50 ans de France Culture…)

Denis Lavant
Formé au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, Denis Lavant a notamment travaillé avec les metteurs en scène Antoine Vitez, Matthias Langhoff, Pierre Pradinas, Hans Peter Cloos, Bernard Sobel et Dan Jemmet.
Citons dernièrement :
2015 « Elisabeth II », de Thomas Bernhardt, mis en
scène par Aurore Fattier (Théatre de Namur).

2014 « Faire danser les alligators sur la flûte de Pan », mis en scène par Ivan Morane (Festival d'Avignon et Théâtre de l'Œuvre), Molière 2015 du Meilleur Seul en Scène.
2014 « Andromaque 10-43 » d’après Racine, mise en scène de Kristian Fredric, Théâtre du Grütli (Genève).
2013 « Tabac rouge », de et mise en scène de James Thiérrée, Théâtre National de Nice, Théâtre de la Ville.
2013 « Les amours vulnérables de Desdémone et Othello » de Manuel Piolat-Soleymat et Razerka Ben Sadia-Lavant d’après Shakespeare, mise en scène de Razerka Ben Sadia-Lavant, Théâtre de Nîmes.
Au cinéma, il est le comédien emblématique du réalisateur Leos Carax, depuis « Boy meets girl » en 1983 jusqu’à « Holy Motors » sorti en 2012. Il a également joué, entre autres, sous la direction de Patrice Chéreau, Diane Kurys, Jean-Pierre Jeu, Claude Lelouch, Claire Denis, Harmony Korine, Arnaud des Palières, Wolfgang Becker, Mehdi Charef, les frères Larrieu, et Emmanuel Bourdieu.
Il participe à de très nombreuses fictions à France Culture.