Les frères et sœurs Sarah et Julian ont toujours été entourés de musique. Leur père a été leur première source d’inspiration : ce multi-instrumentiste et auteur de chansons enthousiaste avait déménagé, quand il était jeune, de Californie jusque dans le Sud de l’Allemagne, où il s’était installé et avait fondé une famille. « Quand on était enfants, on jouait dans des orchestres, Sarah de la clarinette et moi de la trompette, et notre père avait tout un tas d’instruments à la maison qu’on s’est progressivement accaparés en entrant dans l’adolescence », dit Julian de leurs débuts. « Quand Sarah a eu 15 ans, elle a aussi commencé à écrire ses propres chansons – étant l’aîné j’avais commencé un peu plus tôt. » Leur père s’était installé un petit studio d’enregistrement à la cave, et c’est là qu’ils ont créé leurs premières chansons – au départ juste pour s’amuser, comme un agréable passe-temps, sans aucune pression. « On passait nos nuits dans la cave et on avait ainsi la possibilité d’apprendre beaucoup de choses par nous-mêmes », ajoute Sarah. « C’était une bonne école. »
Au départ, ils travaillaient chacun sur leurs chansons séparément ; ce n’est qu’il y a environ trois ans qu’ils ont commencé à mettre leurs talents et leurs idées en commun. Julian raconte : « À l’automne 2012, je devais faire un concert à Aschaffenburg. Sarah avait déjà écrit ses propres chansons, à ce moment-là ; elle est venue avec moi au concert, et on a joué quelques chansons ensemble. C’était une sensation totalement nouvelle ; on s’est réellement éclaté, et à partir de là, on a continué ensemble. » Leur affinité créative récemment découverte a été renforcée par la proximité géographique quand ils ont tous deux déménagé à Hambourg cette année-là – Julian vivait jusqu’alors à Vienne et Sarah à Würzburg. Une nouvelle ville, un nouvel élan, un nouveau départ – mais avec des partenaires proches et familiers comme seuls peuvent l’être un frère et une sœur – les conditions idéales de l’harmonie créative qui allait donner naissance à leur premier album, Birthmarks.
Leurs chansons possèdent – et dans ce cas la généralisation est absolument justifiée – une splendeur précisément recherchée, d’un genre qu’on ne rencontre pas souvent sur un premier album. Il n’y a rien de superflu, tout a sa place et sa raison d’être, chaque note rend chaque chanson plus belle et plus dynamique. « C’est très important pour nous qu’une chanson soit bonne en elle-même, quel que soit son arrangement », dit Julian. Et Sarah ajoute : « Une bonne chanson contient toujours un mélange d’originalité et de quelque chose d’entraînant – ce qui ne doit pas forcément être agaçant, mais qui, dans le meilleur des cas, relie instantanément l’auditeur à la chanson sur un plan émotionnel... » – « ... ce qui fonctionne particulièrement bien quand la simplicité d’une chanson contient une complexité subtile », ajoute Julian, prolongeant sa pensée. La façon dont les deux musiciens se renvoient la balle dans une conversation donne une indication du fonctionnement de leur collaboration : une idée engendre la suivante, et ensemble ils prennent ce qui marche et le développent jusqu’à ce que le résultat atteigne un état idéal.
Pourtant il n’y a aucune formule dans leur façon de travailler. « Il y a des chansons sur l’album que Julian ou moi avons écrites seul, et qui ne sont devenues des morceaux collaboratifs qu’au cours du processus d’arrangement. Mais il y a aussi beaucoup de chansons écrites à deux, qui ont commencé avec une mélodie de guitare ou de piano de Julian ou de moi, ou avec un seul accord, combiné avec les idées spontanées de l’autre. Ça crée une atmosphère, une émotion, qui acquiert une vie propre. On jamme à partir d’un feeling de base, jusqu’à ce que la structure d’une chanson, son refrain, et parfois même ses paroles, deviennent soudain évidents. »
Ecoutez attentivement l’album Birthmarks et vous découvrirez de petites différences subtiles entre les façons d’écrire du frère et de la sœur. « White Lips », par exemple, est une chanson assez typique de Julian, avec son intro riche en guitares, sa touche folk mélancolique, son passage instrumental prononcé, et son désir d’emmener l’écriture classique de chansons dans une direction légèrement nouvelle. « Elephants », d’un autre côté, ressemble à Sarah, avec sa légèreté pop et sa sensibilité indé branchée, simple dans sa structure et pourtant puissante dans son interprétation. Le processus est complètement intuitif, rien n’est écrit, les chansons se développent plutôt à partir d’une émotion sous-jacente.
Le fait d’être frère et sœur les aide, comme le dit Sarah : « On peut être totalement franc l’un avec l’autre, sans avoir peur des malentendus. Ça nous permet d’avancer plus vite dans le processus d’écriture. De plus, nos goûts musicaux se complètent vraiment, et on est de plus en plus proches à ce sujet. Je suis sûre que ça a à voir avec le fait qu’on écoutait déjà les mêmes disques quand on était enfants. Ce qui est sympa, c’est qu’on aime tous les deux les chansons terminées à cent pour cent. »
Les textes des chansons sont écrits par Sarah, qui a toujours aimé jouer avec les mots et a commencé à griffonner des petits poèmes ou des pensées quand elle était enfant. Sarah écrit dans un style expressif et ouvert, trouvant toujours les mots adaptés au processus humain qui nous émeut tous finalement. « La gamme de sentiments et d’expériences que les gens traversent partage toujours les mêmes fondations et les mêmes désirs, après tout », explique-t-elle. « Bien que je fouille dans mes propres sentiments et expériences, je pense que beaucoup de gens se retrouvent dans mes paroles. Je préfère peindre des images et créer des atmosphères avec des mots plutôt que de raconter des histoires, bien que ce soit différent d’une chanson à l’autre. L’idée initiale d’une chanson façonne aussi son caractère, et ça crée un petit monde que je veux verbaliser. »
L’album a été enregistré dans divers lieux, un processus qui a été pour le duo la source de nombreuses expériences nouvelles. Ils ont commencé à Vienne il y a deux ans, passant quatre semaines ensemble dans un studio pour la première fois, puis deux autres semaines en 2014. L’album semblait terminé, il était mixé et masterisé, envoyé aux maisons de disque. C’est [PIAS] qui a décroché le contrat, mais Sarah et Julian n’étaient pas encore satisfaits du résultat. Ils sont retournés en studio en février 2015, cette fois-ci à Hambourg, puis ont effectué un séjour de dix jours dans un studio de Londres, et fait quelques finitions au studio « State of the Ark » de Richmond – où Mumford & Sons, Nick Cave et Noel Gallagher ont également enregistré. Ils ont ensuite laissé reposer le projet pendant un temps, avant d’appliquer les dernières touches à la fin de l’année. Il n’y a eu aucun compromis ; tout devait être parfaitement conforme à leur vision, dès le départ.
Le premier single, « Mayflies », constitue une excellente introduction à leur œuvre merveilleusement légère mais jamais frivole. Également écrite par Sarah, la chanson parle de la brièveté de la vie et de la conscience d’être éphémère dans l’inexorable courant du temps. La chanson réunit de la plus naturelle des façons la sensibilité folk de Julian et le savoir faire indie-pop jovial de Sarah. Elle rassemble ce à quoi Sarah faisait allusion : un caractère accrocheur qui ne semble ni forcé ni intentionnel, mais allant plutôt complètement de soi – qui fait que l’auditeur est complètement plongé dans la chanson. Il n’y a que le fait de les voir en concert qui puisse être meilleur que ça ; c’est ce que beaucoup ont fait récemment, quand Sarah and Julian ont accompagné Tocotronic sur leur tournée allemande. Ils ont aussi conquis de nombreux nouveaux fans en remportant le prix musical « Krach & Getöse » de Hambourg. En plus d’une somme d’argent, ce prix leur a offert l’opportunité de se produire dans plusieurs grands festivals, dont Dockville, où ils ont ouvert les hostilités sur la scène principale en 2015, et le Reeperbahn Festival, où ils ont été chaleureusement accueillis.
Tous ceux qui voudraient voir Sarah and Julian en concert auront l’occasion de le faire au début de l’année 2016. Pour accompagner la sortie de leur premier album, Birthmarks, le 19 février 2016, ils effectueront leur première tournée en tête d’affiche dans 17 villes d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse, en mars et en avril. Les voir tous les deux en concert, entourés d’une formation de plus en plus stable et solide, est un véritable événement : le frère et la sœur réunis en une entité unique par la musique qu’ils créent, d’une façon rarement vue dans le monde de la musique d’aujourd’hui – tout particulièrement en Allemagne.