En concert les 11 & 12 avril au 104

C’était il y a 7 ans, un géant de près de 2 mètres posait son bagage dans nos contrées. Avec lui, il amenait une voix haut perchée, un regard d’enfant, des gaucheries assumées, et tout un monde de tendresse, de poésie et d’humour, diablement bien décrit. Le géant s’appelait Baptiste Lalieu et, un peu pour se cacher, un peu parce que ça lui plaisait, il s’était créé un personnage, un alter ego baptisé Saule.
Saule est monté sur scène, beaucoup et partout, et a sorti un premier album, « Vous êtes ici ». Et l’album a connu un joli succès, emmené par une chanson, « Si », dont le refrain enlevé et apparemment si léger comptait cependant l’histoire d’une mort annoncée. Il y eu donc des concerts, et des concerts dans notre petit royaume. Et Saule, grand ogre dévoreur de la vie et chanteur à succès, accumula alors les expériences : l’album sortit en France (chez V2), Franco Dragone lui proposa une mise en scène de ses concerts, un second album paru chez Universal (Western), il ouvrit tous les Zenith de Benabar, composa la musique du film Western de Benoit Mariage avec Benoit Poelvoorde, écrivit tout un album pour Stéphanie Crayencour, et tourna, tourna, tourna. Tout ceci sans compter les mille et une autres activités de ce grand homme gourmand et curieux de tout.
Sans jamais de pause, mot décidément banni de son vocabulaire, Baptiste s’attaque il y a un an à la réalisation d’un troisième album. Il écrit donc près de soixante chansons et les passa au crible de son intransigeance. Il n’en reste bientôt une bonne quinzaine; et Saule est donc prêt pour les fixer définitivement sur un disque. Et arrive alors la rencontre, cruciale, avec Charlie Winston. Et dès le début, entre les deux, une complicité fraternelle. Charlie l’Anglais et son univers de pop chamarrée, et Baptiste le Belge fou de Burton (Tim) et d’écriture française. Ils passent le mois d’août enfermés dans un studio de l’ouest parisien, La Frette, une grande maison presque hantée, avec pour tout complice un batteur anglais (Ché) et un guitariste français (Thomas Semence). Et la magie opère. Les chansons de Baptiste, arrangées et produites par Charlie, prennent vie. Et quelle vie !
Au fur et à mesure de la collaboration, Baptiste ira jusqu’à écrire pour son Charlie et lui-même un duo, « Dusty Men », soit l’histoire de deux has been de la chanson, qui semblent s’apostropher de chaque côté de la Manche, tentant de remporter un duel pathétique autour de leur gloriole défunte. L’ironie de la chanson, la force de ses arrangements, et le groove imparable qui la mènent nous donneront raison : ce titre est un tube.
L’écriture de Saule, depuis toujours fine et très élaborée, connaît avec ce troisième album une nouvelle progression. Dans les thèmes abordés (la perte d’un enfant, dans « Just A Song » ; l’absolue banalité dans « Type Normal»), mais aussi dans l’ambivalence des propos (le bio dans « Chanteur bio », la tragique usure amoureuse dans « L’inventaire de notre amour »), les trouvailles fusent, pour le plus grand bonheur de l’auditeur.
Et ailleurs, dans un autre autoportrait tendre et acide, intitulé « Le bon gros géant » Saule règle quelques comptes avec la vie, elle qui ne s’est pas toujours montrée tendre avec sa carcasse que d’aucuns voient comme énorme. Et c’est dans une virtuosité mélodique qu’il passe en revue les sentiments qu’il éprouva par la grâce de ce grand corps : honte, malaise, puis fierté et envie de protéger les faibles et les mal lotis de la vie.
Baptiste et son double, Saule et son maître… on s’y perd parfois un peu, mais rien de grave… Baptiste Lalieu et Saule passent leur vie à se croiser. Mais, pour notre plus grand bonheur, de chacune de leur rencontre naît une chanson.