“Olof, je m’ennuie teeeeeellement. Pourquoi travailler avec toi est-il si ennuyeux ?” Karin demanda soudainement. C’était juste un jour de travail comme les autres au début des années 2010. Karin Dreijer et Olof Dreijer, aussi connus comme étant les pionniers de l’électro-pop expérimentale avec leur groupe The Knife, étaient assis dans leur studio et commençaient à débattre sur l’éventualité de faire un nouvel album ensemble.

“Je ne sais pas pourquoi tu t’ennuies” répondit Olof, “mais je ressens exactement pareil que toi. J’ai l’impression que chaque jour, je me rends à un travail banal de bureau ; on fait toujours la même chose. ”

“Exactement. La musique ne peut pas être aussi insignifiante ; on a besoin d’une véritable bonne raison pour continuer”, dit Karin.

Cette conversation posa les bases de ce qui devint la performance à la fois joyeuse et conflictuelle «Shaking the Habitual : Live at Terminal 5 ». Après avoir refusé de jouer en live pendant plus de 7 ans, The Knife se retrouve démultiplié sur scène, passant de seulement Karin & Olof à une troupe de danseurs de 11.

“Au cours de l’écriture de “Shaking The Habitual”, on a réalisé qu’il était temps pour nous de remettre en question le concept de The Knife au sens large. Ou, plutôt, on voulait déconstruire l’image de The Knife qui avait au final été créée. On avait besoin de trouver un moyen d’être et de faire ce que l’on voulait vraiment, en tenant compte de la dimension commerciale du groupe uniquement pour pouvoir trouver des moyens de mieux en sortir. Par exemple, on a réalisé que les masques que l’on avait l’habitude de porter lors des shootings photo comme une façon de critiquer l’obsession médiatique autour des individus derrière la musique étaient au final perçus comme complétement l’opposé : notre marque de fabrique, même comme quelque chose de quasi mystique. Cela a relancé nos discussions autour du pourquoi et de la joie qui peuvent être liés au fait de présenter l’album sur scène. ”

“Un concert c’est barbant, mais danser c’est l’éclate”, pointa du doigt un jour l’ami du groupe Kim Einarsson. “Au lieu de reproduire le schéma stéréotypé de la performance liée à la musique électronique – deux personnes derrière un ordi – peut être que vous devriez danser”. Et ainsi, le concept de “Shaking the Habitual” tour était né, avec l’aide d’Einarsson et de la productrice de danse Anna Efraimsson pour en travailler les aspects créatifs.

“Aucun de nous deux avait déjà dansé sur scène ; on a donc décidé de collaborer avec la chorégraphe Stina Nyberg, ainsi qu’avec une troupe de danseurs de différents horizons. On voulait que le show soit un effort collectif à la fois dans sa création comme dans son résultat : tout le monde serait impliqué de A à Z. On a commencé à se prendre pour une amoeba – un type d’organisme unicellulaire qui peut modifier sa forme pour des raisons pratiques comme faire équipe avec d’autres cellules ou d’autres organismes – et on a cherché des moyens de pouvoir retranscrire ce sentiment aux spectateurs. On est très vite arrivés à la conclusion que pour ça, on devait tous jouer le rôle non pas seulement de danseurs, mais aussi de chanteurs et de musiciens, se comportant comme une seule et unique unité mouvante”.

N’arrêtant pas de remettre en question l’idée de performance, The Knife au travers de sa nouvelle forme de troupe de danse unicellulaire, s’entraîna pendant des mois à Stockholm avant de commencer la tournée de "Shaking the Habitual”.

“Pour que tout le monde se sente à l’aise avec l’ensemble des différents éléments de la performance, on a tous pris des cours de chant ensemble, en se concentrant plus sur comment produire des sons intéressants plus que d’essayer de trouver la justesse exacte. Chacun a également appris aux autres les mouvements de danse de son choix, d’inspirations diverses, des comédies musicales de Broadway à Bollywood, de façon à ce que chacun d’entre nous puisse participer. On voulait que les spectateurs aussi s’amusent, qu’ils dansent avec nous, donc on a créé des versions encore plus fun et dansantes des titres du nouvel album ainsi que de quelques de nos anciennes chansons. ”

Le groupe a aussi engagé le designer Bella Rune pour créer des instruments sur mesure pour le show, histoire que les spectateurs aient quelque chose de plus intéressant à regarder qu’une silhouette tournant et appuyant sur des boutons derrière un ordinateur. Tendant plus vers le statut d’œuvres d’art que d’instruments, Bella explique qu’ils ont été “conçus dans le but de représenter de façon visuelle les mélodies de l’album, afin de déconstruire les conventions attendues dans la musique électronique.” Elle ajoute : “pour moi, les instruments de musique représentent l’album s’il prenait une forme matérielle”.

Les instruments seront mis aux enchères et les gains données à l’association
No One Is Illegal Network qui supporte les personnes forcées à vivre sans papiers après le refus de leur demande d’asile. La mission de l’organisme est claire : “Nous demandons le droit de résidence permanent pour l’ensemble des personnes qui sont arrivés en Suède et qui veulent y demeurer. Nous soutenons la vision d’un monde sans frontières, où personne ne vit dans l’illégalité.”

Sur la dernière étape de la tournée, à l’automne 2014, le photographe Alexa Vachon s’est joint au groupe afin de documenter leur aventure. Ces portraits intimes ont été rassemblés dans un livre photo en édition limitée chroniquant leurs péripéties. “Avec ce livre, on vous invite à partager avec nous certains moments de Shaking the Habitual: The Show, une expérience qui a a stimulé, appris, inspire et rempli d’amour chaque d’entre nous. On espère que vous apprécierez autant que l’on a apprécié !”

“Shaking the Habitual: Live at Terminal 5”, sortie prevue sur Rabid Records le 1 Septembre comme film live et album live, en même temps qu’un livre photo en Edition limitée retraçant la tournée.

Une projection du film est prévue au Bio Rio Cinema à Stockholm le 30 Août.