En concert le 24 août à Rock En Seine

Rave Age, le troisième album de Vitalic, va droit au but. Le producteur français a réalisé un disque monstrueux qui emmène la disco à guidage laser et qui l’a fait connaître vers des contrées radicalement plus sauvages, mais toujours aussi euphoriques. Il s’agit de la déclaration féroce et insouciante d’un visionnaire du dancefloor qui a passé la dernière décennie à redéfinir la musique électronique dans un style bien à lui et qui a décidé, comme lui seul pouvait le faire, d’œuvrer dans la simplicité.

« Je voulais vraiment pouvoir jouer les chansons de cet album en live, » dit Pascal Arbez-Nicolas depuis chez lui, à Dijon. « La musique de mon dernier album, Flashmob, était tellement décontractée qu’il était difficile d’insérer ces titres en concert. Cette fois-ci, je pensais
vraiment au live. Je fais mon truc, et l’idée, c’est de faire des choses marrantes et de les jouer sur scène - voila. »

Ça ressemble à un discours de combat de la part de Pascal. Alors qu’il s’est fait un nom avec deux disques de disco romantique et de techno torride délicatement calmes et posés, OK Cowboy en 2005 et Flashmob en 2009, Rave Age a vu ce garçon de 36 ans se lâcher et composer des
morceaux qui lui sont venus rapidement, naturellement, sans aucune pression. Ecrit avec la Méditerranée en tête, dans son home studio au cours de la première moitié de 2012, puis mixé à Paris, Rave Age contient quelques-uns des titres les plus directs et les plus puissants de Pascal : « Stamina », « No More Sleep » et « Lucky Star » sont des morceaux de rave élastiques, prêts pour les clubs. L’irrésistible énergie qui parcourt Rave Age à toute vitesse peut en partie être attribuée au talent de DJ de Pascal, un job qu’il a commencé en 2009. « J’ai appris à savoir ce qui est efficace à jouer et ce qui m’amuse quand je joue, » dit-il. « Cet album correspond à ce que je voudrais jouer comme DJ. »

En fait, il s’agit plutôt du disque pop de Pascal, une notion qui lui a été soufflée pour la première fois par l’ingénieur chargé du mix de l’album, Stéphane « Alf » Briat, le célèbre technicien parisien que l’on retrouve derrière les disques clés de Phoenix, d’Air et de Jackson and His Computer Band. « Pour mon premier album, j’utilisais une voix trafiquée par mes synthétiseurs et sur le deuxième, il n’y avait qu’une seule chanteuse, Linda Lamb. Cette fois-ci, c’était différent, » dit Pascal. « A un moment, en studio, l’ingénieur du son m’a dit : ‘Hé, ton truc est presque pop, parce qu’il y a une voix sur chaque chanson.’ Ce n’était pas conscient, mais je voulais un changement par rapport aux deux autres albums. »

Il n’y a qu’à écouter ses brillants remixes pour Bjork, Sexy Sushi, Heartbreak ou Amadou & Mariam pour apprécier l’amour de Pascal pour les possibilités de la chanson pop, et ici, en travaillant pour la première fois avec plusieurs chanteurs, il forge son propre style de
power-pop effervescente. « Next I'm Ready » et le formidable « Fade Away » bénéficient du chant de Joe Reeves, qui fut un temps le chanteur des défunts punks synthétiques britanniques de Shit Disco, dont Pascal adorait le premier disque, qui n’a pas été reconnu à sa juste valeur. En
fait, Pascal était un peu inquiet que « Fade Away » soit trop pop pour Rave Age, même s’il en est très satisfait. « Au début, ‘Fade Away' s’appelait ‘Dolce Vita' et avait cette mélodie ringarde à la Jean Michel Jarre. Je l’ai envoyé à Joe, qui est vraiment rapide et qui a écrit et
chanté les paroles en quelques heures. J’aime sa façon d’écrire des textes tout autant que son accent anglais. »

Une autre chanteuse travaillant rapidement s’est avérée être la française France Picoulet, qu’on avait entendue pour la dernière fois sous le nom d’Owlle, sur la récente compilation de Kitsune, Parisien II, et dont l’interprétation sincère de la cyber-ballade douce-amère « Under Your Sun » apporte à Rave Age son moment de félicité sentimentale le plus pur. En ce qui concerne les autres chansons, Mickael Karkousse, du groupe electro belge Goose, chante le cri de ralliement qui ouvre l’album, « Rave Kids Go », et Julia Lanöe, de Sexy Sushi, fait bénéficier le génial titre new-wave « La Mort Sur le Dancefloor » d’un chant typiquement malicieux. Ce titre aux accents grunge a été l’un des premiers écrits par Pascal pour Rave Age : alors que l’album
progressait, note-t-il, les chansons devenaient de plus en plus douces et lentes. Même le titre du disque, Rave Age, possède un côté hippy, ajoute-t-il.

Tout cela semble être à des années-lumière de 2001, année de la sortie du premier quatre titres de Vitalic, le « Poney EP ». Ce disque, sans doute le meilleur 12-inch techno de la dernière décennie, possédait un charme immédiat et durable qui a vu Pascal être comparé à Daft Punk et à
Aphex Twin en tant que producteur singulier capable d’influer sur l’avenir de la musique électronique. Au cours des années suivantes, avec l’euphorie foudroyante de « La Rock 01 » et de « You Prefer Cocaine », il a défriché la voie menant au monde des clubs tel un Wagner de la rave
– alias le flying V – un intrépide guerrier metal-disco pourfendant des hordes de raveurs dans toute l’Europe avec ses concerts brûlants.  

Alors, s’est-il adouci avec les années ? « Et bien, je pense que la musique est aujourd’hui plus ouverte, parce que je suis plus détendu, » dit-il. « Il y a une sorte de truc arabe et une touche de dolce vita parce que je vis dans des pays du sud. Je passe beaucoup de temps à
Barcelone et en Italie. » Le tourbillon typique de Rimini de « Lucky Star », par exemple, est né de la volonté de Pascal de produire un morceau qui évoquerait la chaleur du soleil d’un torride été méditerranéen, tandis que « Vigipirate » et « The March of Skabah » sont de sombres instrumentaux qui mélangent rythmes exotiques et hip-hop, avec des clins d’œil à d’anciennes productions comme « Valletta Fanfares ». A la fin de l’album, Pascal inclut un morceau d’ambiance issu de la bande son qu’il a composée pour le dernier film du réalisateur italien,
David Manuli, The Legend of Kasper Hauser, avec Vincent Gallo en vedette. « C’est un film fou, » dit Pascal d’un air approbateur. « J’aime vraiment ce réalisateur, je pense qu’il est très spécial. »

La plupart des fans de Vitalic ont forcément assisté à l’un des formidables concerts de la tournée V Mirror qui a parcouru la planète pendant deux ans. Flanqué de deux énormes panneaux de miroirs électroniques, Pascal a joué devant des milliers de spectateurs, dans des festivals et des salles immenses du monde entier, voyageant avec unepetite équipe dans un bus de tournée, comme un groupe de rock. Créer des liens sur la route s’est avéré une expérience très profonde pour Pascal. « Tourner avec une équipe, c’est vraiment quelque chose d’unique, » dit-il. « Partager l’expérience du bus de tournée, ce qu’on ressent avant de monter sur scène, et après : c’est comme multiplier toutes les sensations consistant à jouer live. »

Pour interpréter Rave Age sur scène, Pascal projette d’amener les choses encore plus loin, en introduisant un vrai batteur et un vrai clavier au mix, en plus des écrans. « Je veux le feeling d’un groupe, » dit-il.

Quand il n’est pas en studio, Pascal passe beaucoup de temps dans la cuisine. « A un moment, je pensais ouvrir un restaurant en Espagne » dit-il, l’air sérieux, « mais en ce moment, je ne peux pas m’empêcher de faire de la musique, d’avoir des projets et je suis excité à l’idée de
monter un show vraiment cool pour la prochaine tournée. »